Qu'une parole soit un acte et qu'on en soit esclave.
Je regrette que la virtuosité qui consiste à changer de parole, à manquer à ses engagements, à trahir ses amis, puisse se décorer du nom d’habileté, en un temps où l’habileté passe pour une des qualités maitresse de l’homme. Tout cela a une cause profonde et qu’on ne saurait assez signaler : cette cause c’est l’avilissement de la parole humaine. Qu’est ce qu’une parole pour des gens qui passent leurs jours à faire des paroles ? Une chose dont on abuse à ce point perd toute valeur. Comment voulez-vous qu’un bavard mette son âme dans chaque mot qu’il dit ? Il secoue ses paroles comme un arbre ses feuilles mortes, et les oublie aussi vite qu’elles tombent. Nous nous sommes tellement habitués à la vanité des paroles, qu’une chose dite n’est plus sacrée. La parole n’est plus respectée comme une partie de nous-mêmes. Qu’une parole soit un acte, et qu’après l’avoir dite on en soit esclave : voilà ce qui passe de plus en plus de mode, et cet état de choses est une source de faiblesse.
Trés beau texte à méditer de Ch.WAGNER pasteur protestant 1882-1918
B.S.